Lundi 1er septembre 2014

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Jour de (pré-)rentrée pour tant de profs ! Mais pour moi, c'est le jour de la première rentrée, ça change beaucoup de choses. J'ai quitté ma (grande) ville natale pour emménager dans une petite ville du Sud. Cadre joli, météo clémente, mais forcément, je suis un peu déracinée, loin de mon chéri, ma famille, mes amis…

Ma tutrice m'a déjà contactée avant la rentrée pour me dire quelles classes j'aurais, me demander si j'étais bien installée etc. Elle avait l'air très sympa, et cette première impression a été plus que confirmée par nos premiers contacts : elle était vraiment attentive à me faire tout visiter, me présenter à tous les gens que nous croisions…

Petit café (thé pour moi) dans le self, avec toute l'équipe éducative et les gens des cuisines.

La journée devient rapidement intense : réunion de pré-rentrée où l'on nous souhaite la bienvenue, où l'on aborde un peu les problèmes de nos élèves (nous sommes un collège de ZEP) ; apparemment, ça vaut le coup d'aller faire un tour dans les quartiers où vivent nos élèves, ça permet de mieux remettre en contexte les problèmes qu'ils peuvent nous poser en classe…

Je me sens un peu triste pour eux ; le CPE lui-même dit qu'il faut avoir conscience que certains élèves sont arrivés "au bout de leur parcours scolaire" : je ne doute pas que ce soit vrai, mais c'est profondément désespérant de faire ce genre de constat pour des gamins (car ce sont tout de même des enfants !) de 12, 13 ou 14 ans. Et je me sens aussi impuissante : comment moi, l'ancienne collégienne dans un environnement sur-protégé, pour premiers de la classe un peu socialement inadaptés, vais-je pouvoir me mettre à leur place, et avoir des exigences adéquates envers eux ?

Distribution des emplois du temps, certains protestent, mais globalement, ça semble bien rodé, même si la principale a apparemment travaillé dessus jusqu'à la dernière minute. Il faut dire qu'entre 400 élèves et une bonne soixantaine de profs aux desiderata variés, la tâche ne doit pas être aisée, même avec des logiciels spécialement conçus pour.

Nous profitons ensuite, avec ma tutrice, d'une petite pause avant le déjeuner pour nous isoler dans une salle et "papoter" un peu comme elle dit. Elle me montre ma salle (j'ai ma propre salle, personne d'autre n'ira dedans !), équipée d'un vidéo-projecteur interactif (je ne sais même pas comment ça marche…). Je lui montre un peu mes premières séquences de cours, elle a l'air plutôt contente de mes idées, c'est rassurant ! Elle me donne aussi quelques basiques, et je me rends compte à quel point je suis "jugée", simplement sur ce que je suis, et pas seulement ce que je fais : elle observe que je m'habille "bien", que je m'exprime dans une langue "correcte"… Je suis sûre qu'elle a déjà une première impression assez solide sur moi, et c'est assez déstabilisant. Je me demande même si elle ne fait pas exprès, quand nous sommes dans des groupes, de me laisser un peu seule pour observer de loin comment j'interagis avec le reste de l'équipe, comment je tente ou pas de m'intégrer… Bref, la réussite au CAPES dit que je suis prof, mais en réalité, je vais devoir le devenir peu à peu, même aux yeux de mes collègues : pour le moment, les habits de prof me paraissent un peu trop grand pour moi !

Ensuite, "apéritif dînatoire" au self, encore. Les plats concoctés par le chef sont véritablement délicieux (pomme verte sur mousse à la betterave, pizza maison aux légumes, etc.).

La journée se poursuit sur une réunion réservée aux nouveaux arrivants. Je suis la seule "néoprof", les autres ont déjà enseigné ailleurs. Mais tout le monde est plutôt bienveillant avec moi, la principale adjointe m'a dit de venir sans hésiter si j'avais besoin de quoi que ce soit, la principale semble attentive aussi… Il y a les inévitables profs un peu aigris, mais globalement, l'ambiance semble vraiment bonne au sein de l'équipe éducative.

Suit alors le moment le plus "intense" de la journée pour moi : il y a une réunion sur deux classes de Quatrièmes (que j'aurai toutes les deux), à laquelle je n'étais pas spécialement supposée assister ; il s'agit de décider quels élèves iront où, pour essayer de séparer un peu les "terribles", donc ça concerne avant tout les profs qui les connaissent déjà. Mais je n'ai rien de spécial à faire, et la principale m'invite fortement à venir une fois que je lui rappelle que j'aurai les deux classes, donc j'y vais en essayant de me faire un peu discrète.

Il y a différentes options défendues par les profs autour de la table : réunir tous ceux qui pratiquent telle langue vivante, afin de pouvoir organiser plus facilement des projets ; et réunir, du même coup, les terribles, pour adopter justement une pédagogie adaptée, plutôt que les disperser ; ou bien, à l'inverse, les séparer parce que certains sont considérés comme trop difficiles pour être laissés ensemble (sachant qu'ils se retrouveront de toute façon dans le cours de langue vivante, même s'ils sont séparés sur deux classes : la prof de LV craint donc qu'ils ne soient complètement ingérables s'ils ne se retrouvent que quelques heures par semaine…).

Je suis placée juste à côté de la principale, je peux donc observer comment elle gère la constitution de la classe : à chaque élève correspond une fine bande de papier, avec nom, prénom, date de naissance, options, et surtout : une gommette représentant le niveau général (rouge, jaune, vert, bleu) et un nombre de croix représentant le nombre de problèmes de discipline (0 à 3). Dans la classe "difficile", de 22 élèves (les petits effectifs, un des avantages de la ZEP !), il y a peut-être, en tout, 4 ou 5 points points verts ou bleus (donc tout le reste de jaune ou rouge…), et une bonne dizaine d'élèves à 3 croix (donc posant de gros, gros problèmes de discipline). Quand je vois "ma" classe, ça me donne un peu envie de pleurer ; ce n'est pas vraiment que je sois triste, mais encore une fois, je me sens impuissante : que vais-je bien pouvoir faire avec cette classe peuplée de cas parmi les pires du collège, que les autres profs traitent parfois eux-mêmes de "cassos" ("cas sociaux") ? Et surtout, quelle que soit la répartition finalement retenue par la principale (elle ne rendra sa décision que demain, au plus tôt), j'aurai de toute façon tous les élèves évoqués lors de cette réunion, puisque j'ai la charge de ces deux classes de Quatrièmes.

Après ce moment assez pénible et angoissant vient la dernière réunion de la journée, assez générale, où l'on aborde les sanctions, la gestion des retards, de la communication avec les familles (passage assez effrayant où on nous assure qu'il ne faut jamais, jamais recevoir des parents en étant seul-e, et/ou ailleurs que dans la salle spécialement prévue à cet effet : certains sont apparemment plutôt violents…). Après cette réunion, je vais voir les CPE pour récupérer un carnet de correspondance et pouvoir me familiariser avec. Je croise une dernière collègue de ma matière que je n'avais pas encore rencontrée, puis je rentre chez moi.

Le soir, je profite de mes derniers instants de répit pour peaufiner la petite évaluation que je leur ferai faire à la fin de la première heure de présentation : ça permet de les mettre directement dans le travail, de se poser directement comme sévère, et c'est important en début d'année selon nos formateurs académiques et ma tutrice. C'est aussi un outil pour moi, qui me permettra de détecter rapidement des gens souffrant d'illettrisme à des degrés divers, et d'évaluer en gros le niveau de ma classe. Je finis aussi le Keynote (équivalent Mac de PowerPoint) de mon premier cours avec les 4è. J'envoie ces deux éléments et ma programmation à ma tutrice, pour avoir son avis sur les éventuelles "erreurs de débutante" que j'aurais pu faire dedans.

La journée fut donc assez remplie, riche en découvertes ! À quelques exceptions près, l'équipe éducative semble jeune, dynamique, et motivée (autre avantage de la ZEP !). Je n'ai reçu que gentils conseils et soutiens tout au long de la journée, mais je sais que, devant une classe, je serai fondamentalement seule. C'est donc à moi de tracer mon chemin !

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L
Trop bien que tu fasses ce blog, en plus c'est très agréable à lire (on s'y croit, j'avais même la chair de poule dans les moments flippants!^^). Clairement tu vas pas avoir des classes faciles, mais comme ça une fois que tu seras habituée, tu auras tout vécu et tu seras une prof du tonnerre, archi-blindée ;).<br /> Fais quand même attention aux parents... (les enfants restent des enfants, tu peux réussir à les gérer!)<br /> Bon courage en tout cas !! Ca s'annonce éprouvant mais -très très- formateur ... Et puis ta tutrice sera là pour t'accompagner (et te protéger^^)
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