Jeudi 4 septembre 2014 : baptême du feu

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La première bonne nouvelle de la journée, ça a été de bien dormir. Tout le monde m'avait mise en garde, en me prévenant que je ne dormirais pas la veille des premiers cours. Et en fait non : je me suis réveillée toute seule à 7h (au lieu de 8h30, certes), plutôt bien reposée.

J'arrive au collège vers 10h (pour un premier cours à 11h), et la pression commence à monter. Je récupère les photocopies préparées la veille, je vais préparer ma salle (écrire ce que je veux qu'ils mettent sur la petite fiche de rentrée, par exemple, car je suis lente à écrire au tableau, et si je vais trop vite ce n'est pas du tout droit : paye ta crédibilité en tant que prof !).

Petit souci d'organisation (qui va me jouer un gros tour dans la journée) : je ne connais pas exactement les heures des sonneries, donc j'attends en me demandant quand retentira la première sonnerie…

Ma première classe de 4è finit par arriver (mais devant la mauvaise salle : on a inversé avec une collègue, mais c'était encore l'ancienne version sur l'emploi du temps qu'on leur avait donné). Je vais les chercher, ils se rangent devant la salle, je passe rapidement dans le rang en leur demandant de descendre déjà leur sac : c'est important de "ritualiser" le passage de la porte de la salle de classe (véritable "seuil" entre récré et cours), et s'ils ne jettent pas leur sac comme des brutes sur leur table, ça fait déjà moins de bordel.

Je fais en sorte de remplir les premiers rangs : les petits malins qui s'étaient calés sur la dernière rangée sont répartis sur les places restantes aux rangs précédents. Ça donne déjà lieu à quelques (tentatives de) négociations, mais je ne cède pas, et ça finit par marcher.

Je me présente, je leur distribue la fiche et je montre au tableau ce que je voudrais savoir sur eux, en expliquant rapidement. "Madame, ça veut dire quoi profession ?". "Madame, il faut écrire, NOM, Prénom, Classe ?".

Je réalise alors que j'ai oublié de faire l'appel (pas super pour la ritualisation de l'entrée en classe !), donc je le fais pendant qu'ils écrivent. Ils me disent qu'ils n'ont pas de petit panneau avec leur nom, je les crois moyennement, mais je ne tiens pas à transformer mon cours en cours d'arts plastiques, donc je laisse tomber pour le moment (et ils semblent déçus, ce qui me fait penser que c'était la bonne décision !).

Je ramasse les fiches et distribue la feuille où je présente l'organisation de mon cours, le matériel nécessaire etc. On la lit ensemble, ils la signent et la feront signer par leurs parents.

Je demande s'ils ont des questions : globalement non, ce sont des 4è, ils sont déjà blasés le jour de la rentrée, on m'avait prévenue.

Il y en a deux qui bavardent depuis tout à l'heure et commencent à me gonfler un peu, donc je les sépare. Encore une fois, il faut longuement insister, rester ferme et ne pas lâcher. Il finit par changer de place et se mettre là où je lui ai dit, mais à côté de la table. Je lui demande de s'asseoir correctement : il met une jambe de chaque côté du pied de la table ; j'insiste, il s'assied enfin normalement…

Donc je distribue la petite "interro" de rentrée (ramassée, mais pas notée), où je leur demande le nom des grandes périodes historiques (Antiquité, Moyen-Âge…), ce qui se passe aux césures (476, chute de l'empire romain d'Occident ; 1492, découverte de l'Amérique par Christophe Colomb…) ; je leur demande aussi quelques repères du brevet qu'ils ont dû voir en 6è et 5è.

Ils ont fini quelques minutes avant la sonnerie, donc je leur fais ranger leurs affaires, et quand ça sonne, ils peuvent partir (après avoir remis les chaises sur les tables).

Je sors ensuite de la salle, je croise F., une collègue (adorable) de mathématiques. Elle me demande comment ça s'est passé et je commence à avoir les larmes aux yeux. Elle me rassure un peu, va chercher ma tutrice, P., (dans la salle juste à côté), elles me font rentrer toutes les deux. P. s'excuse de ne "même pas m'avoir souhaité une bonne rentrée", trop choue. Je leur raconte, et elles me disent que j'ai tout bien fait comme il fallait : vider les derniers rangs, séparer les bavards, me montrer ferme etc. Et elles m'assurent que les nouveaux dans l'établissement (même avec 15 ans d'enseignement ailleurs) se font toujours "tester" sur les premières séances, donc c'est normal qu'ils soient un peu relous.

Bref, le bilan est bon, mais je ne sais pas, c'est la pression qui retombe aussi. Je ne me sentais pas vraiment stressée, mais il faut croire qu'en fait si. ;) Mais ma tutrice comme F. étaient vraiment géniales sur ce coup-là !

Du coup, je déjeune à la table de pique-nique, avec plein d'autres gens, en salle des profs. On discute pédagogie, conseils pour débutante, etc.

Je corrige ensuite les interros de ce matin et… c'est pas génial. Entre ceux qui n'ont rien rempli du tout, ceux qui se moquent de moi ("invention du Nuttela (sic)"), il reste peu de gens qui ont vraiment essayé ET sont parvenus à un résultat convenable. Heureusement pour eux que ce n'est pas noté !

Je m'apprête à reprendre pour les 2h de l'après-midi avec pas mal de stress, j'espère vraiment que ça ne va pas être comme ça tout le long… Même si je les ai à peu près tenus ce matin, c'était épuisant.

Je descends chercher mes 5è dans la cour (en début de matinée et après-midi, et à la fin des récréations, on va les chercher, ils sont mis en rang par les surveillants et CPE devant un emplacement qui correspond à leur salle de classe). Je m'arrête devant une classe, demande "vous êtes les 5èx ?" - "non". Mais une fille à côté me dit que ce sont eux, donc je leur dis qu'on y va (et on y va). Idem que les 4è, on descend le sac avant d'entrer, on ne se met pas au fond s'il reste des places devant, etc. Mais avec eux, il y a beaucoup moins de protestations.

Je me présente, je distribue les fiches, j'ai un peu les mêmes questions ("c'est quoi profession ?"). J'en ai d'autres, aussi, notamment B., un jeune garçon qui me regarde d'un air tout malheureux en me demandant s'il doit mettre la profession de ses deux parents. "Pourquoi ?" - "Ils sont en train de divorcer…" - "Mais ça ne change rien à la profession ça." - "Mais mon père il a perdu les droits parentaux." - "Il a… perdu les droits parentaux ?" - "Oui…" - "… tu peux mettre quand même sa profession, mais ça, je veux bien que tu me l'écrives en bas, dans la partie sur les problèmes personnels…" - "D'accord." Il me brise un peu le cœur ce gamin, il a l'air tout gentil, mais surtout tout malheureux.

Je ramasse les fiches (ils sont lents !), je distribue la feuille "matériel et règles", on la lit ensemble, j'explique, ils sont super intéressés : dès que je demande "vous avez des questions ?" j'ai une forêt de petits bras qui pousse !

Ensuite, on passe à l'interro, ils ont une attitude complètement différente de celle des 4è : ils sont complètement paniqués à l'idée de mal faire… J'essaie de les rassurer : ce n'est pas noté, c'est juste pour me faire une idée ; les 4è avaient un exercice un peu similaire (au lieu des repères du Brevet, les 5è doivent dire à quel siècle appartient telle date, mais le remplissage de la frise chronologique est identique) et n'ont pas vraiment brillé ; ils sortent de 2 mois de vacances, c'est normal qu'ils aient un peu oublié…

J'en profite pour leur dire que je ne m'intéresse qu'à ce qu'ils font dans mon cours : s'ils étaient nuls en histoire-géo l'an dernier, s'ils sont nuls en maths ou en français cette année, moi, je m'en fiche : si dans mon cours ils sont sérieux, appliqués, qu'ils écoutent en cours et relisent leurs leçons de temps en temps, il n'y a aucune raison qu'ils aient de mauvaises notes. Je l'ai dit à toutes les classes, mais ce sont les petits 5è qui ont eu le plus l'air soulagé.
Et en plus, c'est vrai, ce que je leur dis : plusieurs profs m'ont mise en garde contre X ou Y, "elle est d'une bêtise incroyable", "il est ingérable" etc. Peut-être, mais je me ferai ma propre idée. Les gens changent, surtout quand les gens en question ont entre 11 et 14 ans. Et puis, ça dépend des profs : si un élève n'aime pas tel prof, il sera peut-être infect dans son cours, mais dans le cours d'un autre prof qu'il aime bien, ou dont il adore la matière, il sera peut-être très bien. Je ne veux pas les mettre dans des cases avant même de les avoir vus !

Je ramasse, et je leur dis qu'en tout cas, je suis vraiment contente de commencer cette année avec eux, qu'ils ont l'air tous très gentil, que je suis sûre qu'on va bien travailler ensemble. Et là, j'ai plein de réponses super enthousiastes "faut dire que vous avez l'air très gentille aussi ! C'est pas comme Monsieur R.…", "en plus vous êtes super jolie", "j'avoue !", "vous êtes super jeune ! Vous avez quel âge ?!". Ils m'ont finalement donné entre 20 et 37 ans ! ^^

Il nous reste quelques minutes, ils me demandent déjà par quoi on va commencer lundi. "Le développement durable" - "ah oui, c'est le recyclage" - "ah oui, c'est ne pas trop polluer" etc.

Je les a-do-re. C'est génial d'avoir des élèves super réceptifs comme ça, presque pressés de commencer les leçons !

Du coup, je suis vraiment super motivée. Sauf que, ma dernière heure de cours, ce sont encore des 4è, et la classe vraiment difficile (j'ai les "cas" du collège répartis dans les deux 4è, mais surtout dans celle-ci). Ils arrivent (toujours devant la mauvaise salle, donc je vais les chercher). Idem que les autres : pas de gens au fond, etc. Petite fiche. Il faut déjà que je rappelle régulièrement que je veux le silence, ils sont super agités… Consignes : idem, super agités, ils commentent tout (sans lever la main), me demandent s'ils sont obligés de signer (la réponse est oui)… Ils n'ont aucune question, ils s'en fichent un peu.

Interro : ils la font un peu tous ensemble, je n'arrête pas de passer dans les rangs leur demander d'arrêter, ils arrêtent 30 secondes et recommencent. Va falloir que je ne tarde pas trop à mettre quelques mots dans les carnets…

Et surtout, surtout : à 15h45, on a déjà fini, ils commencent à se lever, je leur dis qu'ils doivent rester, ils me font "mais madame, ça a sonné !", je me dis que je n'ai pas entendu, donc je les laisse partir. Ils sont en furie, courent partout, un gamin se fait apparemment donner un coup de poing dans le ventre au passage… F., toujours la même collègue de maths, sort de sa salle (forcément, avec le boucan…), me dit que ça ne sonne qu'à 15h50 (zut), leur ordonne de re-rentrer, d'aller chercher ceux qui sont déjà descendus. F. retourne dans sa classe. On attend, les élèves et moi, la sonnerie, puis on attend F., puis on va voir le CPE qui leur fait un peu la leçon. Il en profite pour me donner les horaires exacts des sonneries (j'aurais dû m'en occuper avant, je le retiendrai).

Bref, mauvaise fin de journée, c'est pas très bon pour mon autorité tout ça… Mais le CPE me dit que c'est pas grave, je dois leur dire à la prochaine séance qu'ils m'ont eue une fois, que ça n'arrivera plus, et qu'on se met au travail maintenant.Je croise ma tutrice en sortant (elle revient d'un cours au lycée, elle a 6 niveaux en tout !), je lui raconte rapidement, elle dédramatise et me souhaite un bon week-end, me recommande de bien me reposer.

Je rentre chez moi, prépare quelques affaires, embarque le chat, et hop, on va à Lausanne en covoiturage. :)

Le soir, je corrige les interros de mes deux classes de l'après-midi, je suis impressionnée par les 5è : ils sont meilleurs que la plupart des 4è ! Et B. (le gamin dont le père n'a plus les droits parentaux) a fait un sans-faute complet ! Honnêtement, je ne m'attendais pas à avoir ça, sur aucune des deux classes (la chute de l'empire romain d'Occident en 476, c'est pas facile quand même). Il a même mis la préhistoire avant l'Antiquité, alors que je ne le demandais même pas (et que beaucoup mettent la préhistoire à la place de l'Antiquité ! ^^). Il est juste tombé dans le petit piège : 800 n'est pas au IXᴱ siècle, qui ne commence qu'en 801, mais au VIIIᴱ siècle. Mais bon. Trop chou le petit.

En résumé, ce fut une première journée assez mouvementée, avec des expériences déjà riches dans la "gestion" des élèves. Les 4è me testent, il faudra que je sois vraiment attentive. Et les 5è ont déjà l'air de m'adorer, donc je vais essayer de ne pas devenir trop "copine", mais ça devrait bien se passer.

Prochain épisode lundi, en attendant, je vais continuer de préparer mes cours ! :) (Et merci du soutien textotique et messagesque, ça m'a fait du bien même si je n'avais pas toujours la tête à (ou le temps de) répondre !)

PS : je vais changer la photo de couverture : je pensais me sentir vraiment seule cette année, donc ça justifiait le bateau solitaire ; mais non, je me sens vraiment très, très, très bien entourée et soutenue : à la fois par ma tutrice, mais aussi par d'autres collègues, profs, CPE, etc. :)

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H
Contente de vous apprendre des choses !! :D
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H
Trop bien pour tes collègues/tutrice qui ont l'air top :)<br /> Et moi aussi je serais tombée dans le même piège que B. sur les siècles, j'ai jamais compris XD
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F
Trooooooooop bien ton article! C'est un bon début! Pas facile facile partout mais ca te fait prendre direct de bonnes habitudes ;) Et c'est cool que tu aies une classe toute gentille quand même! Et comme Hélène pour les siècles, j'ai halluciné je savais pas^^ Bon courage pour la suite! :)