9 - 11 septembre 2014

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Mardi, cours avec les 5è, classe toujours aussi agréable globalement. J'interroge le relou de la dernière fois (qui trouvait que j'avais une "politique" différente de celle de son ancien établissement concernant le développement durable). Il n'a rien appris ou presque, me dit d'un ton désinvolte qu'il va essayer de faire avec ce qu'il a écouté en cours… Quand je lui demande les avantages et les inconvénients de vivre dans les quartiers de grands immeubles, il me dit qu'il y a des racailles et que c'est sale, on voit l'ambiance…

Mais dans l'ensemble, ça va. Après, ce même relou me donne des réponses étonnamment pertinentes pour un 5è, et le cours se déroule plutôt bien. Séquence introductive terminée !

Mercredi, cours avec les 4è2, et ma tutrice, P., assiste au premier cours. Je les place car j'ai changé le plan de classe (pour séparer les bavards, etc.) Petite interro orale, puis exercices sur le commerce au XVIIIᴱ siècle à partir du tableau d'un port et d'une carte avec les flux de marchandises etc. L'aboutissement de la séance, c'est de leur montrer que parmi les "marchandises", il y a quand même des êtres humains (les esclaves). A., très bonne élève, très fine, me demande tout de suite : "mais Madame, les esclaves, c'est des marchandises ?!". S'ensuivent des questions à la limite du hors sujet mais intéressantes : "c'est vrai qu'on disait aux Noirs que c'était écrit dans la Bible qu'ils devaient être esclaves "? - "oui" - "mais c'était vraiment écrit ?". Petite précision sur la liberté d'interprétation des textes sacrés, etc. On corrige, puis on regarde un extrait d'Amistad, justement sur l'esclavage. Et puis ça sonne, c'était vraiment trop juste niveau timing…

Pendant l'heure, j'ai remarqué une élève, S., qui ne faisait rien : même quand je donnais simplement les éléments basiques de mise en page ("vous tracez une ligne verticale, d'un côté vous notez vos réponses, on fera la correction en face"), elle ne le faisait pas. Je vais la voir, la rappelle à l'ordre, mais ça ne change pas grand chose. Du coup je prends son carnet, je lui dis de venir me voir à la fin de l'heure.
Quand elle vient, je lui demande pourquoi elle ne faisait rien ; si elle a un souci avec l'histoire-géographie, avec moi, avec ce cours en particulier, si elle a des soucis chez elle, etc. J'arrive à peine à la faire me regarder quand je parle, et elle ne décroche littéralement pas un mot en réponse… Je finis par soupirer qu'elle ne me laisse pas le choix, que je vais mettre une remarque dans son carnet, à faire signer par ses parents.
J'en parle avec la prof principale des 4è2 à la récréation, elle me dit que S. devrait être placée en SEGPA (Sections d'enseignement général et professionnel adapté) : ce sont des sections spécifiques, pour les élèves présentant des difficultés variées. Dans son cas, elle a un énorme retard… Apparemment, ma collègue, en français, lui donne des exercices de niveau CE1 (accord des mots, etc.), et la fait participer le moins possible pour ne pas l'humilier devant la classe… Malgré tout cela, les parents refusent toujours le placement en SEGPA, estimant visiblement que ce n'est pas assez "bien". Ce n'est sans doute pas prestigieux, mais à quoi bon laisser leur fille dans une classe où elle ne comprend rien ? Et surtout, comment se fait-il qu'elle soit arrivée jusqu'à la 4è si elle a le niveau d'une enfant de 8 ou 10 ans ?! C'est quand même un gros dysfonctionnement, et si je vois qu'à la première évaluation, elle a des résultats catastrophiques, je pense que je demanderai à voir ses parents pour appuyer la demande de placement en SEGPA…

Ensuite, heure de trou (vu que j'ai eu les 5è hier), mais j'ai rendez-vous avec la mère d'une élève de 5è. Elle a pris rendez-vous avec les profs de "toutes les matières un peu importantes" ( -_- ) pour discuter de la dyslexie de sa fille. Le CPE m'avait prévenue qu'elle en faisait des tonnes, je confirme. Elle me dit qu'il faut lui photocopier tous les cours, comme si sa fille ne pouvait pas écrire 2 lignes correctement (alors que si, dans le dossier médical qu'elle me transmet, il est bien précisé qu'il s'agit des textes "longs"). Elle se plaint de mon collègue d'histoire-géographie de l'an dernier (absolument adorable) qui aurait martyrisé sa fille toute l'année, et lui aurait fait détesté la matière… Elle en profite aussi pour contester mon cours, et m'expliquer qu'il est plus "écolo" de vivre en pavillon qu'en immeuble : ils ont un compost ! Euh, très bien, mais mon angle d'approche, c'était les transports, donc quand on prend sa voiture dès qu'on sort parce qu'on n'a pas de transports en commun, on pollue plus qu'un habitant d'immeubles, zut ! Bref. C'est visiblement un souci qu'on a parfois avec certaines mères au foyer, complètement surinvesties et paniquées dès qu'on ne chouchoute pas assez leur fragile progéniture…

Puis viennent les 4è1, les plus compliqués du collège. Même cours, mais qui marche un peu moins bien qu'avec les 4è2, même si c'est loin d'être catastrophique. Ils n'arrêtent pas de se plaindre que ça va trop vite alors que les 4è2 comprennent très bien comme ça… Mais forcément, si on bavarde pendant les 5 premières minutes d'écriture de la leçon, c'est difficile de finir à temps !

Debrief avec ma tutrice à la fin de la matinée.

Les points positifs :
- elle me trouve à l'aise devant les élèves, je circule bien dans la classe, j'aide comme il faut ceux qui en ont besoin, etc.
- bons "remballages" avec les perturbateurs (toujours mettre les rieurs de son côté, "contre" le perturbateur, ça lui coupe le sifflet et ça nous met la classe dans la poche)
- la séance est bien conçue selon elle, c'est clair, adapté à leur niveau, on voit où je veux aller, etc.

Les points négatifs :
- elle trouve que je vais parfois un peu vite effectivement (mais les premiers 4è, même après demande le lendemain, ne me trouvent pas trop rapide… et les autres, dès qu'il faut écrire plus de 3 lignes, c'est trop rapide ^^)
- je dis souvent "d'accord ?" (tic de langage, plus ou moins équivalent à un "vous avez compris ?" dans mon esprit, mais il ne faut pas demander leur "accord" aux élèves, même par tic, surtout quand j'explique les règles ou que je fais de la discipline). "Arrête de bavarder ou je mets un mot dans ton carnet, d'accord ?", le gamin a peu de chances d'être "d'accord" !
- et j'ai tendance à ne pas tout écrire au tableau, alors qu'il faut vraiment leur écrire chaque mot quasiment, ils sont encore petits, et la prise de notes, ils ne connaissent pas ; même la dictée, ce n'est faisable que pour les mots vraiment simples, quotidiens.

Je passe l'après-midi à peaufiner les cours du lendemain et à préparer un peu ceux de la semaine prochaine (j'ai vraiment très peu d'avance !). Mais en tout cas, la conversation avec P. (ma tutrice) m'a vraiment bien reboostée : j'ai des choses à corriger (en même temps, je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle me dise que tout était parfait), mais sur le fond (attitude, préparation du cours), il n'y a pas vraiment de souci.

Le soir, j'appelle une prof qui donne des formations vocales pour les profs du lycée à côté (mais les formations sont aussi ouvertes aux profs du collège) : c'est pour économiser notre voix (mine de rien on parle beaucoup !), pour donner la bonne intonation en fonction de ce qu'on veut obtenir comme résultat, etc. Je pense que ça ne peut que m'être utile : j'ai une voix qui va très bien pour les bébés 6è-5è, mais quand il faut prendre une grosse voix/crier sur les 4è, ça passe beaucoup moins bien je trouve, et je ne me sens pas super crédible. Le but de la formation est justement d'arriver à faire passer l'autorité sans avoir à crier, donc c'est cool. Je me suis inscrite, c'est payant mais bon, c'est un bon investissement pour la suite de ma carrière ! ^^

Le jeudi, je vois mes trois classes. Et franchement, franchement… ça se passe vraiment très bien ! J'arrive exprès une heure en avance pour croiser la prof principale des 4è2, qui les a juste après, et lui dire que la séance d'hier s'est très bien déroulée, qu'ils ont travaillé en autonomie dans le silence, etc. On transmet aux PP quand ça ne va pas (et elles allument les élèves), donc c'est important aussi de leur dire quand ça se passe bien.

Ensuite, je passe à l'intendance rappeler que le store de ma salle est toujours cassé, que je suis toujours plein sud et au-dessus d'un toit bêtement fait en métal (par un architecte "pas du Sud" selon mes collègues) : résultat, les salles sont déjà des fournaises, mais sans le store c'est quasiment intenable (une collègue a mesuré, dans une salle avec store : 32°C ! Je vous laisse imaginer dans la mienne…). En attendant que ce soit réparé (c'est assez lent apparemment), je bricole un truc avec des feuilles A3 et du scotch (demandé à la même intendance). Je prépare mes photocopies, puis je vais préparer ma salle : manuels sur les tables, ordinateur branché, présentation Keynote lancée sur le titre du chapitre en cours, feuille d'appel placée devant moi, plan de classe aussi pour vérifier qu'ils le respectent, etc.

Les 4è2 arrivent. "Madame, c'est vrai que vous avez dit à Mme B. que ça s'était bien passé ?" - "Oui, parce que ça s'est bien passé la dernière fois, si ça se passe bien aussi cette fois je lui redirai la même chose !" Ils semblent tout contents, c'est quand même mignons comme ils essaient de nous plaire.

Je leur diffuse une nouvelle fois l'extrait de film d'hier, en les faisant répondre aux questions. L'extrait est vraiment violent : esclaves qui se font fouetter jusqu'au sang, certains qui sont jetés à l'eau, etc., etc. On me demande s'ils sont obligés de le revoir (alors que normalement, les élèves sont plutôt demandeurs d'extraits de films). Mais l'extrait est vraiment très parlant, l'esclavage n'était pas une réalité bisounourse… Et puis, ça a été validé à la fois par les formateurs de l'académie et par ma tutrice, donc je suis sûre que c'est le genre de choses qu'on peut diffuser à leur âge. Mais bon, je vois une élève vraiment pas bien, je lui propose d'attendre dans le couloir pendant qu'on le rediffuse, je ne tiens pas non plus à la faire pleurer. Du coup, je suis obligée de rester dans l'encadrement de la porte, pour avoir un œil sur la porte et un œil sur l'élève (bientôt rejointe par une autre) du couloir.

Ensuite, réponse aux questions, ils sont vraiment super intéressés, posent plein d'autres questions, souvent pertinentes.

On complète ensuite ensemble une carte qui résume le commerce triangulaire (trajets, produits, régions concernées), puis on note la définition du commerce triangulaire, et c'est la fin de l'heure.

Ensuite, pause déjeuner, j'ai amené mon repas et l'ai déposé dans le frigo de la salle des profs. On fait table commune dans la salle de détente, c'est vraiment sympa comme ambiance, on discute des élèves mais pas seulement : on bave sur les collègues, les parents, les autres établissements… ^^ J'apprends que le fameux Monsieur R., dont mes 5è m'avaient parlé dès le premier cours ("vous êtes gentille, pas comme Monsieur R.") est non seulement grognon mais aussi très raciste. Et vu les jolies couleurs de la grande majorité de nos élèves, sa vie doit être compliquée… (Du coup, ce qui est plus que dommage, c'est qu'il rende aussi la vie de nos élèves compliquée…)

Je reprends l'après-midi avec les 5è. L'élève que j'interroge connaît vraiment très bien sa leçon, c'est top ! On poursuit sur le développement durable, mais en changeant de thème : cette fois-ci, nous traitons des dynamiques démographiques ; le programme laisse le choix entre l'Inde et la Chine, j'ai choisi l'Inde parce qu'ils entendent déjà beaucoup parler de la Chine dans d'autres parties du programme…

Du coup, petits rappels : taux de natalité, mortalité, accroissement naturel, transition démographique… Pour les aider à mieux se rendre compte, on remplit ensemble un petit tableau qui compare taux de natalité, mortalité, accroissement naturel, nombre moyen d'enfants par femme et "nombre de personnes en plus par an" en France, en Inde et au Niger (qui détient le record mondial d'accroissement naturel). Ça leur permet de mieux se rendre compte : quand on dit 1,25% d'accroissement naturel pour l'Inde, ça paraît très peu, mais quand on transforme ça en "16 millions de gens en plus par an", ça devient énorme !

Ensuite, je leur explique que ça pose des problèmes sociaux : le gouvernement tente de limiter les naissances (de manière moins coercitive qu'en Chine, puisque l'Inde est une démocratie), mais du coup, ça entraîne des avortements sélectifs (on garde moins les fœtus féminins que masculins).

Tout cet ensemble m'entraîne sur des terrains glissants : c'est quoi l'avortement ? (Difficile à expliquer sans employer des termes ultra culpabilisants comme "tuer le bébé".) Pourquoi on fait tant d'enfants au Niger et moins en France ? ("non, J., ce n'est pas pour “toucher les allocs“" (je me demande bien pour qui votent ses parents… c'est déjà le même qui m'avait parlé des "racailles" dans les immeubles -_- ). "Bon, vous savez comment on fait les enfants ?" *rires gênés mais approbatifs* "Pourquoi on en a moins en France ?" - "Parce que c'est la crise !" "Parce que les gens ils se séparent !" - "Non, parce qu'on a la… la… ?" - "Contraception !" - "Ah, très bien !".

En tout cas, ils sont toujours choux. Je vois plein de regards indignés quand je leur explique pourquoi les filles sont beaucoup moins bien considérées, que leur famille doit leur donner une dot pour les marier, etc.
"Et du coup, dans certaines régions, il y a 800 femmes pour 1 000 hommes à cause de ça ! Et du coup, les 200 hommes seuls, là, ils font quoi ?" - "Bah ils font rien !" *rires* (Mais c'est quand même la bonne réponse, même si j'attendais plutôt un "ils vivent un célibat forcé" !)

Bref, cours très sympa, j'ai pas tout à fait avancé autant que ce que j'aurais voulu, mais ils n'ont pas fait perdre de temps, il faut juste que je sois plus réaliste dans mes prévisions.

Dernière heure, avec les 4è1. Les difficiles, et je suis la dernière heure de leur journée… Mais déjà, ils m'expriment une reconnaissance sans borne pour leur avoir fabriqué un volet en feuilles A3 qui les protège du soleil ! Si j'avais su que c'était si facile de me les concilier…

Le cours se passe plutôt bien : c'est parfois un peu agité, ça bavarde un peu trop, mais globalement on avance, et ils ont des remarques pertinentes même si ça fuse un peu trop dans tous les sens.

"Mme B. m'a dit que si je devais reprendre l'un ou l'une d'entre vous plus de 3 fois dans l'heure, je lui donnais le nom, et elle vous prendra pendant une heure de colle." Ça leur fait visiblement peur ! A., plutôt gentil mais vraiment agité et bavard, arrive à 2 remarques 1/2, et me dit avec beaucoup de sérieux que maintenant il va bien se tenir, et que s'il vous plaît ne le dites pas à Mme B. Efficace !

Je vérifie déjà ce qu'on m'avait dit : je n'ai pas du tout les mêmes problèmes que mes collègues avec les mêmes élèves. Y. B., qu'on m'avait présenté comme un élève complètement ingérable (l'an dernier en histoire-géographie, cette année en français) ne me pose vraiment pas de souci particulier ; il est arrivé en retard dans l'année (rentré de vacances une semaine après la reprise), mais il m'a demandé très poliment si je pouvais lui donner une copie des documents que j'ai distribués, etc. À l'inverse, J. S., petite chouchoute de beaucoup de profs parce que visiblement très bonne élève, m'exaspère un peu : elle conteste souvent le cours, se plaint que l'interro orale (à laquelle elle n'a même pas encore eu droit) porte sur l'ensemble du chapitre et pas seulement sur la leçon du cours précédent… Elle a du mal à comprendre qu'ils ne sont pas censés tout oublier à chaque nouveau cours, et que tant que le chapitre n'est pas fini, j'ai besoin que le début soit compris (donc appris) pour mettre en place la fin… Tant qu'on parle de la traite négrière, les définitions de "colonie" et de "métropole" que j'ai indiquées à la première séance (sur l'Europe au XVIIIᴱ siècle) sont toujours utiles… Bref, c'est pas du tout ma chouchoute.

Sinon, des nouvelles du petit dont le père a perdu ses droits parentaux : le CPE me l'a confirmé, en m'expliquant que B. était battu par son père jusqu'à l'année dernière. Et le B. en question, vraiment un ange en classe : il dit bonjour en entrant, lève la main ni trop ni pas assez, intervient toujours de façon intelligente, dit merci quand on lui distribue des feuilles, ne bavarde pas, etc. (Et il avait l'air vraiment indigné quand j'expliquais le sort de beaucoup de filles en Inde : faut dire qu'il vit avec sa mère et ses deux sœurs, c'est le seul "homme" de la maisonnée. ^^) Bref, ça me fait de la peine pour lui qu'il ait subi ça, et je suis très contente que ça aille en s'arrangeant, même si c'est loin d'être parfait quand même… (Et lui pour le coup, il aurait plutôt tendance à être un "chouchou", s'il fallait vraiment en désigner un !)

Bref, la semaine se termine bien. J'ai l'impression d'être là depuis une demie éternité alors que je n'ai fait que 4 cours avec chaque classe, j'ai peine à y croire. On a vraiment bien avancé partout, je me sens utile, et je sens que les relations avec les élèves deviennent relativement bonnes, même s'il reste encore pas mal de choses à mettre en place.

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